Le nouveau régime de taxation des biens étrangers

En février 2021, le législateur belge a adapté le traitement fiscal des biens immobiliers sis à l’étranger. Par ce nouveau régime, le législateur a voulu mettre un terme à l’inégalité de traitement fiscal dont faisaient l’objet les biens immobiliers étrangers par rapport aux biens immobiliers belges, lesquels étaient moins lourdement taxés que les premiers. Désormais, les biens immeubles étrangers seront taxés sur base d’un « revenu cadastral ».
Quel était le problème ?
La Cour de Justice de l’Union européenne a condamné la Belgique à plusieurs reprises sur la manière dont elle taxait les revenus immobiliers provenant d’un bien situé à l’étranger car les revenus afférents à un bien immobilier non donné en location à l’étranger (qui ne qualifie pas d’habitation propre) étaient imposés plus lourdement que les revenus de biens immobiliers comparables situés en Belgique entrainant une discrimination.
En effet, la base imposable des biens immobiliers situés en Belgique est calculée sur base d’un revenu cadastral, tandis que pour les biens immobiliers sis à l’étranger, c’est la valeur locative théorique qui est prise en considération. Or, en pratique, le revenu cadastral est généralement nettement inférieur au loyer ou à la valeur locative réelle. En effet,le RC belge correspond au revenu net annuel moyen que l’immeuble était censé générer au 1er janvier 1975, de sorte que les RC sont aujourd’hui largement dépassés, même après l’indexation qui est appliquée depuis 1991.
Cette discussion a duré des années, mais ce n’est qu’à la suite de la condamnation par la Cour de Justice de l’Union européenne en novembre 2020, également assortie d’astreintes, que le législateur belge est intervenu et qu’un nouveau dispositif juridique a été élaboré.
A qui le nouveau régime s’applique-t-il ?
Le nouveau régime s’applique aux immeubles étrangers appartenant à des résidents belges (soumis à l’impôt des personnes physiques) ou à des personnes morales (soumises à l’impôt des personnes morales). Par ailleurs, le nouveau régime s’applique aux « constructions juridiques » qui dispose d’un droit réel sur un bien immeuble étranger et dont le résident ou la personne morale susmentionnée est le fondateur.
Désormais, les biens immobiliers étrangers se verront également attribuer un revenu cadastral. A compter de l’année de revenus 2021 (exercice d’imposition 2022), la base imposable des revenus de biens immobiliers étrangers sera calculée sur base de ce revenu cadastral.
En ce qui concerne les biens immobiliers étrangers qui appartiennent à une société belge, aucun revenu cadastral ne devra être déterminé étant donné que cette notion n’est pas utilisée à l’impôt des sociétés pour déterminer le revenu imposable.
Comment le revenu cadastral des biens étrangers doit-il être déterminé ?
Pour les biens immeubles bâtis, le revenu cadastral doit être déterminé à l’aide de la valeur vénale actuelle, ramenée à la valeur vénale de l’époque de référence (1975) à l’aide d’un facteur de correction déterminé par arrêté royal.
Sur cette valeur vénale, un facteur de capitalisation de 5,3% est appliqué afin d’obtenir le revenu cadastral. Puisqu’il n’existe pas de données permettant de déterminer la valeur vénale en 1975 pour les biens immobiliers étrangers, un facteur de correction sera publié annuellement au Moniteur belge. Pour l’année 2020, le facteur est fixé à 15,036.
A titre d’exemple (étant donné que le facteur de correction pour 2021 n’est pas encore connu à ce jour, nous avons utilisé le facteur de correction de 2020), imaginons que vous avez acheté en 2020 une maison de vacances en Espagne pour un prix de 400.000 EUR.
Sur le prix de vente (qui par hypothèse correspond au prix effectivement payé), il faut d’abord appliquer le facteur de correction de 15,036, soit 400.000 / 15,036 = 26.602,82 EUR. Ce montant est ensuite multiplié par 5,3%, ce qui donne un RC (non indexé) de 1.410 EUR (arrondi) pour votre maison de vacances en Espagne.
L’administration a entre-temps a publié dans une circulaire une liste des facteurs de correction à appliquer sur la valeur vénale pour chaque année depuis 1975 jusqu’à 2020. Par exemple, si vous avez acheté un bien immobilier à l’étranger en 2011 pour 250.000 EUR, le facteur de correction est de 13,124, ce qui donne un RC (non indexé) de 1.010 EUR (arrondi). La liste complète est disponible dans la circulaire 2021/C/21 du 1er mars 2021.
Pour les biens immeubles non bâtis, le revenu cadastral est fixé à 2 euros par hectare.
Quelles sont les nouvelles obligations pour les propriétaires de biens immobiliers étrangers ?
Depuis le 1er janvier 2021, il appartient à tout contribuable qui acquiert ou aliène un droit réel sur un immeuble situé à l’étranger de le déclarer spontanément à l’administration fiscale dans les quatre mois de l’acquisition ou de l’aliénation.
En ce qui concerne les biens occupés ou donnés en location qui ont été acquis ou aliénés entre 1er janvier 2021 et le 24 février 2021, une déclaration similaire devait être introduite au plus tard le 30 juin 2021.
Cette déclaration peut être transmise via MyMinFin (disponible depuis juin 2021) ou via un formulaire de déclaration qui peut être demandé par e-mail ou par courrier (foreigncad@minfin.fed.be ou Administration des mesures et des évaluations - Cellule étrangère RC - Avenue du Roi Albert II 33, boîte 459 - 1030 Bruxelles).
Pour les contribuables qui possédaient déjà (ou détenaient un autre droit réel) sur un bien immobilier étranger avant le 1er janvier 2021, la déclaration doit être soumise au plus tard le 31 décembre 2021.
Les contribuables qui ont déclarés des revenus de biens immobiliers situés à l’étranger dans leur dernière déclaration fiscale ont dû recevoir, ou recevront, un courrier de l’administration leur demandant de fournir les données nécessaires à la détermination du RC. Cependant, nous vous recommandons de faire le suivi vous-même ; si l'administration fiscale ne vous contacte pas dans le courant de l’année, cela ne change rien au fait que vous devez déclarer vos biens immobiliers situés à l'étranger au plus tard le 31 décembre 2021.
Enfin, certains autres événements doivent désormais être déclarés spontanément à l'Administration s'ils se produisent, et ce dans un délai de trente jours. Il s’agit des événements suivants : occupation ou location de biens immeubles nouvellement construits ou reconstruits, achèvement des travaux sur des immeubles bâtis, changement de mode d’exploitation, …
Quelles sont les conséquences fiscales ?
Désormais, les revenus des biens immobiliers étrangers des résidents ou des personnes morales belges seront donc imposés de la même manière que les revenus des biens immobiliers belges.
À partir de l’exercice d’imposition 2022, ces contribuables devront inclure le revenu cadastral des biens immobiliers étrangers dans leur déclaration fiscale.
Il est néanmoins fréquent que les revenus des biens immobiliers étrangers soient exonérés d’impôt en Belgique, du moins lorsqu’une Convention préventive de la double imposition a été conclue avec le pays dans lequel se situe l’immeuble. Toutefois, la déclaration de ces revenus immobiliers étrangers peut avoir un impact sur la réserve de progressivité à l’impôt des personnes physiques. Cela signifie que les revenus immobiliers étrangers sont pris en compte afin de déterminer le taux d’imposition à appliquer aux autres revenus imposables du contribuable. En raison de cet effet de levier, ces revenus peuvent être imposés à un taux d’imposition global plus élevé.
La modification de la loi n'entraîne cependant pas de conséquences particulières pour les sociétés belges disposant d’un droit réel sur des biens immobiliers situés à l'étranger. Tel que mentionné, aucun revenu cadastral n'est attribué à ces biens immobiliers et la société n'a donc pas à déclarer le droit réel dont elle dispose sur ceux-ci.
Cependant, cela ne signifie pas que la nouvelle réglementation ne peut pas être pertinente pour les sociétés possédant des biens immobiliers à l'étranger. En effet, si une société belge met un bien immobilier situé à l'étranger à la disposition de son gérant gratuitement ou contre une somme modique, ce dernier bénéficie dans ce cas d'un avantage en nature imposable. Il serait donc défendable que le calcul de cet avantage imposable doive désormais se baser sur le RC du bien immobilier étranger, ce qui pourrait par exemple être pertinent pour la société pour déterminer le précompte professionnel à retenir.
Quelles sont les sanctions applicables en cas d'absence de déclaration d'immeubles à l'étranger ?
Si les obligations de déclaration ne sont pas respectées (dans les délais), une amende administrative de minimum 250 EUR et de 3.000 EUR maximum peut être appliquée.